Manifestations à Hong Kong, La révolution des parapluies, Acte II

Juillet 2025

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MANIFESTATIONS À HONG KONG

La révolution des parapluies, Acte II

Juillet 2025

 

Une étude de cas Fondemos

POINTS CLEFS

  • Le 29 Mars 2019, le gouvernement hongkongais a officiellement présenté le projet de loi (amendement) modifiant la législation sur l’extradition et l’entraide judiciaire en matière pénale. Ce texte visait à permettre l’extradition de suspects vers la Chine continentale.
  • Ce que l’on appelle le “mouvement contre le projet de loi d’extradition” a débuté le 28 avril 2019. Cette vaste série de manifestations a été déclenchée par la crainte d’une influence croissante de Pékin sur le système judiciaire de Hong Kong.
  • Les manifestations, menées essentiellement par des étudiants, ont rapidement pris de l’ampleur : de dizaines de milliers de personnes en mars, elles sont passées à des millions de protestataires en juin 2019, devenant ainsi les plus grandes mobilisations de l’histoire hongkongaise.
  • Les manifestants ont obtenu gain de cause sur leur principale revendication : le retrait complet du projet de loi d’extradition, en septembre 2019.
  • Des organisations internationales dénoncent un recours généralisé à la violence contre les manifestants.

CONTEXTE

La colère qui a explosé en 2019 n’a pas surgi de nulle part. Elle s’est accumulée pendant des années. En 1997, lorsque la Grande-Bretagne a rétrocédé Hong Kong à la Chine, les deux parties avaient convenu que Hong Kong conserverait ses libertés dans le cadre du modèle “Un pays, deux systèmes”.

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Ce modèle garantissait aux hongkongais des libertés fondamentales telles qu’une justice indépendante, le droit de manifester et la liberté d’expression, dont la population de Chine continentale est privée. Ces droits étaient garantis jusqu’en 2047, mais nombreux étaient ceux qui, à Hong Kong, avaient le sentiment qu’ils s’érodaient déjà sous la pression du pouvoir central. L’ingérence croissante de Pékin dans les médias, les universités et la vie politique était de plus en plus ressentie par la population. Par ailleurs, le souvenir du massacre de la place Tian’anmen en 1989 était depuis longtemps un symbole du sentiment anti-Pékin et continuait d’inspirer la résistance.

Le 29 mars 2019, ces tensions ont culminé lorsque le gouvernement hongkongais a proposé un projet de loi permettant l’extradition de personnes suspectées de crimes vers la Chine continentale. Un million de manifestants se sont alors rassemblés à Hong Kong le 9 juin 2019 pour dénoncer ce projet de loi. Ils se sont ralliés autour de cinq demandes clés : le retrait de ce dernier, le respect de la terminologie ‘manifestation’ et non ‘émeute’, la remise en liberté des manifestants arrêtés, une enquête sur le comportement des forces de l’ordre, et la mise en place d’élections démocratiques transparentes. Malgré les tentatives de la police de mettre fin à ces manifestations par la force, celles-ci se sont poursuivies jusqu’à fin 2020.

Rôle des étudiants et de la jeunesse

Manifestant durant la marche de Kwong Tong , 25 août 2019, Wikimedia commons/ Studio Incendo

Bien que les manifestations de 2019 ont mobilisé l’ensemble de la population hongkongaise, les étudiants y ont joué un rôle majeur. La plupart des actions clés, comme les affrontements en première ligne avec la police et les occupations d’universités, étaient menées par des jeunes manifestants, majoritairement issus de l’enseignement supérieur et de lycées.

À mesure que le mouvement gagnait en intensité, les boycotts universitaires se sont intensifiés, faisant de plusieurs universités des lieux emblématiques de la contestation. Parmi elles, l’université chinoise de Hong Kong (CUHK) et l’université polytechnique ont été le théâtre de violents affrontements entre manifestants et force de l’ordre, notamment après une descente de police à la CUHK en novembre 2019, qui a suscité une vive indignation et déclenché une nouvelle vague de résistance. Ces étudiants ne réclamaient pas seulement le retrait du projet de loi, mais aussi un meilleur système démocratique, l’obligation de rendre des comptes pour les forces de police et la protection des libertés hongkongaises.

Police et manifestants lors d’un rassemblement anti-totalitarisme, 29 septembre 2019, Wikimedia commons/ Studio Incendo

Et après ?

Si la première revendication, le retrait du projet de loi, a été satisfaite en septembre 2019, les autres ont été ignorées. Le 16 juin, deux millions de personnes (selon les organisateurs) ont défilé pacifiquement, illustrant l’ampleur que le mouvement avait atteinte.

Le refus du gouvernement de s’engager dans un véritable dialogue, combiné à la violence policière (notamment l’utilisation de gaz lacrymogènes pour la première fois le 12 juin dans les quartiers d’Admiralty et de Central) a marqué un tournant majeur. Ce même jour, des manifestants arrêtés ont été accusés de participation à des “émeutes”, une première depuis le début du mouvement. Les manifestations ont alors été réprimées par une violence policière jugée disproportionnée : usage intensif de gaz lacrymogènes, de matraques, de balles en caoutchouc, de canons à eau et arrestations massives (plus de 1 300 personnes). Amnesty International a dénoncé ces pratiques, soulignant des violations des principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité dans les interventions policières.

Un tournant majeur

Des habitants traversent la rue devant un mur de banderoles de campagne pour les élections des conseils de district à Hong Kong, le 10 décembre 2023. Vernon Yuen/NurPhoto/Getty Images

Un tournant politique majeur s’est produit lors des élections locales aux conseils de district, le 24 novembre 2019, perçues comme un véritable référendum sur les manifestations. Avec plus de 2,9 millions de votants, ces élections ont abouti à une victoire écrasante des candidats pro-démocratie, révélant un soutien massif de la population au mouvement.

Cependant, le 30 juin 2020, la Chine a imposé la Loi sur la sécurité nationale, criminalisant de fait la dissidence, permettant des arrestations de masse et réduisant au silence l’opposition démocratique. La mise en œuvre de cette législation a marqué un tournant décisif dans la gouvernance hongkongaise. Elle a entraîné la disqualification de candidats de l’opposition, la fermeture de plusieurs organisations de la société civile et un net rétrécissement de l’espace politique et civique qui avait jusque-là caractérisé le statut semi-autonome de la ville.

Une mobilisation sans leader? 

Un aspect notable de la mobilisation hongkongaise résidait dans son organisation “sans leader”, reposant sur des réseaux restreints et réactifs. Johnson Ching-Yin Yeung, un organisateur du mouvement pro-démocratie, la décrivait plutôt comme un mouvement “plein de leaders”, affirmant que la coordination s’effectuait à travers de nombreux groupes informels plutôt qu’au sein d’une hiérarchie centralisée. Comme les décisions étaient prises au sein de ces réseaux décentralisés, le mouvement a pu réagir rapidement aux circonstances changeantes sur le terrain et adapter ses tactiques en temps réel.

Les plateformes numériques ont par ailleurs joué un rôle crucial dans le fonctionnement de cette structure. Les manifestants ont en grande partie utilisé des applications de messagerie chiffrée, comme Telegram, pour organiser les actions et préserver l’anonymat. Les administrateurs de ces groupes assumaient en pratique des fonctions de coordination, en gérant la logistique et en veillant à la sécurité des opérations.

Dans une interview, Nathan Law, militant pro-démocratie, a souligné l’utilisation stratégique des forums en ligne et des réseaux sociaux pour diffuser des informations et rallier des soutiens. Il a précisé que cette mobilisation numérique avait joué un rôle essentiel dans le maintien de la dynamique du mouvement et dans l’engagement de la communauté internationale.

L’adaptabilité du mouvement était également visible dans ses tactiques. Les manifestants ont adopté la stratégie du “Be Water”, caractérisée par des actions fluides et spontanées, leur permettant d’échapper aux répressions policières et de continuer à exercer une pression sur les autorités. Cette approche était rendue possible grâce à une communication en temps réel et à une compréhension partagée des objectifs entre les participants. Malgré l’absence de structure de leadership formel, les manifestations de 2019 se sont distinguées par une organisation sophistiquée, s’appuyant sur la technologie et des réseaux de proximité pour coordonner efficacement des actions à grande échelle.

En résumé :

Droit d’auteur, Benoit Barral, 19 janvier 2020 à Hong Kong

Les manifestations de 2019 ont marqué un tournant dans l’histoire de Hong Kong. Bien que le mouvement ait obtenu le retrait du projet de loi sur l’extradition et attiré l’attention de la communauté internationale, il a ensuite fait face à une répression accrue après la mise en place de la Loi sur la sécurité nationale par Pékin.

Malgré cela, le mouvement a laissé une empreinte durable. Le courage de la jeunesse, en particulier des étudiants, est devenu une image forte de la résistance. Comme l’a déclaré l’activiste Benny Tai : “Des temps plus sombres attendent Hong Kong, mais le soleil se lèvera à nouveau.

POURQUOI LE MOUVEMENT NE L’A PAS EMPORTÉ ? 

Le siège de l’université PolyU a commencé dimanche dans le cadre d’une campagne plus large visant à perturber massivement la vie à Hong Kong.

Bien que les manifestations de 2019 à Hong Kong aient attiré l’attention mondiale et révélé une volonté populaire immense, le mouvement n’a finalement pas réussi à obtenir la majorité de ses revendications. Plusieurs facteurs expliquent cet échec.

  • Le rapport de forces était profondément déséquilibré. Les manifestants faisaient face à l’un des régimes autoritaires les plus puissants au monde, doté d’un contrôle total sur les forces de sécurité, les médias et les instruments juridiques.
  • La répression a été rapide : Pékin a imposé en 2020 la Loi sur la sécurité nationale, qui a criminalisé la dissidence, démantelé les mouvements issus de la société civile et écarté les représentants de l’opposition pro-démocratie.
  • Sur la scène internationale, bien que de nombreux gouvernements aient exprimé leurs inquiétudes, peu ont agi concrètement, craignant les répercussions économiques d’un affrontement avec la Chine.

LES LEÇONS DE LA MOBILISATION

Quelques leçons tirées du mouvement révolutionnaire hongkongais en 2019 :

  • Le besoin d’une unité stratégique : le mouvement hongkongais rassemblait une grande diversité d’acteurs (étudiants, modérés, radicaux, politiciens) mais manquait de leadership coordonné et de plateforme commune. Plus de cohésion interne aurait pu renforcer les négociations et préserver l’élan du mouvement ;
  • Construire des alliances internationales : le soutien symbolique est important, mais davantage d’actions concrètes auraient pu être menées pour faire pression afin que les gouvernements étrangers agissent (sanctions ciblées, protection diplomatique des militants, recours juridiques internationaux). Hausser le coût de la répression, même symboliquement, peut faire évoluer les récits mondiaux et accroître la pression sur le long terme ;
  • L’importance du levier économique : le statut de Hong Kong comme place financière mondiale aurait pu servir de levier pour faire pression (grèves, boycotts, pressions économiques coordonnées) bien que ces initiatives auraient impliqué des risques et une coordination significative.

SOURCES

  • Branigan, T., & Kuo, L. (2020, Juin 9). How Hong Kong caught fire: the story of a radical uprising. The Guardian.
  • Cheung, H., & Hughes, R. (2020, Mai 21). Why are there protests in Hong Kong? All the context you need. BBC News.
  • Chung, H. F. (2020). L’évolution des répertoires de la contestation à Hong Kong: étude de cas sur le mouvement contre la loi d’extradition. Perspectives chinoises, 2020(2020-3), 61-67.
  • Griffiths, J., Cheung, E., & Mok, M., (2019, Novembre 25). Landslide victory for Hong Kong pro-democracy parties in de facto protest referendum. CNN.
  • Hong Kong police enter Polytechnic University as siege ends. (2018, November 28). Aljazeera.
  • HONG KONG: ‘This is a leader-full movement, ran by countless small networks of talented people’. (2020, Février 10). CIVIC
  • Kuo, L. (2019, November 14). Hong Kong protests: foreign students start to leave as unrest shifts to universities. The Guardian.
  • Kuo, L., Safi, M., Levett C., Scruton, P., Sheehy, F., & Jeffery, S. (2019, November 18). Hong Kong university siege: a visual guide. The Guardian.
  • Lo, W.Y.M., & Auld, E. (2022). The role of university leaders in a political crisis:Students’ perspectives from Hong Kong. Higher Education Quarterly, 78(4). 4-19. DOI: 10.1111/hequ.12418
  • Pandey, I. (2021, Mars 16). Hong Kong, Democracy in Peril: Interview with Nathan Law. Harvard International Review.
  • Sataline, S. (2022, Mai 26). How Are They Weapons? That’s Only a Flashlight!’. Wired.
  • Thibault, H., et al. (2019, Novembre 8). Du déclencheur local à la révolte globale : la convergence des luttes dans le monde. Le Monde.
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