LE PRINTEMPS DE DAKHA
Comment les étudiants ont-ils transformé une révolte en révolution ?
Février 2025
Une étude de cas par Fondemos
INTRODUCTION
Le Bangladesh, né en 1971 après une guerre d’indépendance contre le Pakistan, a connu sur plusieurs décennies une alternance de régimes autoritaires et démocratiques, rythmée par de multiples coups d’État militaires. Les tensions politiques entre les partis dominants principalement le Parti Awami League (AL) de Sheikh Hasina et le Parti Nationaliste du Bangladesh (BNP) – ont dominé la scène politique, souvent marquée par des conflits violents et des accusations de fraude électorale.
Sheikh Hasina, leader du Parti Awami League, était au pouvoir depuis 2009, et son régime était caractérisé par une stabilité politique relative, mais aussi par des accusations croissantes d’autoritarisme. Les dernières années ont en effet vu une forte centralisation du pouvoir autour de la figure de Hasina, accompagnée d’accusations de répressions violentes à l’encontre de l’opposition.
En 2024, un événement imprévu a bouleversé ce climat politique : une révolution, menée par des étudiants, à la suite de manifestations contre un système de quotas perçus comme injustes dans les emplois publics, ainsi que de la colère contre la montée du chômage des jeunes. Il convient d’étudier ici les ressorts et modes d’action d’une mobilisation (au départ) estudiantine capable de faire plier aussi rapidement un régime autoritaire.

© Wikimedia Commons/ Rayhan 9d
CONTEXTE POLITIQUE EN 2024
Un climat de répression et de crise démocratique
Des élections générales au Bangladesh ont eu lieu le 7 janvier 2024, et ont une fois de plus été marquées par des accusations de fraude et de violations des droits démocratiques. Le Parti nationaliste du Bangladesh et d’autres partis ont organisé pendant des mois des manifestations exigeant la démission de Sheikh Hasina avant le vote. Environ 25 000 membres de l’opposition, dont l’ensemble de la direction locale du BNP, ont été arrêtés dans la répression qui a suivi, selon le parti. Le gouvernement évaluant quant à lui ce chiffre à 11 000. Sheikh Hasina déclarait au sortir des élections que « le BNP est une organisation terroriste »1.
Le parti de Hasina s’est donc présenté sans quasiment aucun rival, mais a évité de présenter des candidats dans certaines circonscriptions, pour éviter que le pouvoir législatif ne soit qualifié d’institution à parti unique. Des électeurs ont par ailleurs déclaré qu’ils avaient été menacés de confiscation de leurs cartes de prestations gouvernementales nécessaires pour accéder aux paiements sociaux s’ils refusaient de voter pour le Parti Awami League au pouvoir. Les observateurs internationaux ont souligné les nombreuses irrégularités qui ont entaché le processus électoral. Le Département d’État américain, suivi par l’Union Européenne, a exprimé son regret que toutes les parties ne soient pas représentées et a déclaré que « ces élections n’étaient ni libres ni justes »2.
En 2023, le gouvernement bangladais avait adopté des lois limitant la liberté d’expression, notamment la Loi sur la cybersécurité (CSA). Cette législation a été critiquée pour ses dispositions répressives, sous couvert de lutte contre la diffusion de fausses informations, pour la surveillance accrue des activités en ligne qu’elle permet. Amnesty International a exprimé son inquiétude, soulignant que la CSA « menace les droits à la liberté 3 d’expression, à la liberté et à la vie privée au Bangladesh »3. Ces lois répressives ont été rejetées par une large part de la population, mais les manifestations ont été systématiquement réprimées par la force, et la surveillance des dissidents accrue.

© Wikimedia Commons/ Delwar Hossain
Le système judiciaire a également été critiqué pour sa collusion avec le pouvoir exécutif. Les accusations portées contre les militants de l’opposition sont souvent qualifiées de « cas fantômes ». Ces accusations incluent des incidents qui n’ont jamais eu lieu, des exagérations d’événements ou des poursuites contre des personnes absentes ou décédées, notamment pour des crimes présumés en 2013 et 2018.
Le gouvernement a influencé certaines décisions judiciaires pour éliminer les opposants politiques. Par exemple, en juillet 2023, une réunion de hauts fonctionnaires a donné des directives aux juges pour garantir des condamnations rapides des leaders du BNP, en vue de les rendre inéligibles pour les élections à venir4.
Les opposants au régime : le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) et ses revendications
Le BNP, dirigé par Khaleda Zia, est le principal parti d’opposition. Ce dernier critiquait la gestion autoritaire du gouvernement de Sheikh Hasina, et a organisé plusieurs manifestations pour exiger la fin de la répression et un retour à un système démocratique plus transparent. L’opposition réclame la suppression des emprisonnements politiques, la protection des libertés civiles, et l’abrogation des lois qui favorisent l’hégémonie politique du Parti Awami League.

freemalaysiatoday/
MANIFESTATIONS ÉTUDIANTES : DE LA CONTESTATION À LA RÉVOLUTION
Les manifestations étudiantes qui ont éclaté en 2024 contestaient d’abord le système de quotas pour les emplois publics. Ce système, instauré dans les années 1970, réservait une partie des emplois dans la fonction publique à des groupes spécifiques (descendants des vétérans de la guerre de libération du Bangladesh), en fonction de l’origine ethnique, du genre et de la région géographique.
Il visait à assurer une représentation équilibrée des différentes communautés dans le gouvernement et la fonction publique, mais a suscité une colère croissante, notamment parmi les jeunes diplômés qui peinent à trouver un emploi et s’estiment pénalisés par ces recrutements fondés sur des critères sociaux : le taux de chômage des jeunes dépasse les 40% dans le pays, et les résistances du gouvernement à modifier le système ont ainsi alimenté le sentiment d’injustice et de frustration, dans un pays où la moitié des 170 millions d’habitants a moins de 27 ans5. La fonction publique n’ouvrait que 3 000 postes par an aux plus de 400 000 diplômés universitaires.
Le problème était alors particulièrement grave pour les jeunes, dont un grand nombre éprouvent de grandes difficultés à trouver un emploi une fois leurs études terminées. Les options qui s’offrent à eux sont d’émigrer pour travailler à l’étranger ou de rester et devenir des vendeurs de rue précaires.
Naomi Hossein, chercheuse bangladaise, explique que « beaucoup d’entre eux ont les compétences nécessaires pour trouver du travail à l’étranger, mais ils sont déterminés à rester et à servir leur pays »6.
Ceci dans un contexte de grande pauvreté, avec un PIB moyen par habitant de 2 625 dollars américain : même si la croissance rapide du Bangladesh lui a permis d’obtenir le statut de pays à revenu intermédiaire, elle ne lui a pas permis de se débarrasser du fardeau de la sousnutrition, qui affecte particulièrement les jeunes enfants (plus de 30% d’entre eux sont sous-alimentés), dans un territoire qui subit chaque année des cyclones et des épidémies de dengue et le choléra.
Formation du mouvement étudiant
Les dirigeants du mouvement étudiant au Bangladesh, dont Asif Mahmud et Akhtar Hossain, ont formé en 2023 la coalition Ganatantrik Chhatra Shakti (GCS, Force démocratique étudiante) pour lutter contre les quotas dans la fonction publique. L’organisation comptait 50 membres actifs, et visait à être indépendante des partis politiques traditionnels.
Elle a été fondée sur le campus de l’Université de Dhaka, initialement pour se concentrer exclusivement sur les revendications étudiantes. Dès le début, elle a été placée sous surveillance par les services de renseignement, et Akhtar Hossain a été à la fois attaqué par la branche étudiante du parti de Sheikh Hasina et arrêté à plusieurs reprises pour ses activités politiques entre 2021 et juillet 2024.
Le GCS a adopté plusieurs stratégies pour mobiliser les étudiants7 :
Conférence de presse et déclarations publiques
L’organisation a utilisé des conférences de presse sur le campus universitaire pour annoncer sa formation et ses objectifs, attirant ainsi l’attention des médias et du public.
Rassemblements et manifestations
Des marches et des rassemblements, des chaînes humaines, ont été organisés sur le campus de l’Université de Dhaka pour sensibiliser et inciter les étudiants à rejoindre le mouvement.
Utilisation des réseaux sociaux
GCS a abondamment communiqué sur Facebook : partage des communiqués de presse, annonce des rassemblements puis relai en images des actions étudiantes.
Leur compte Facebook a recensé des exactions commises par le régime : répression des opposants politiques, procès iniques, menaces et torture sur leurs proches, etc. et relayé les inquiétudes des organisations de défense des droits de l’homme. Ils y ont également produit des interviews qui donnaient la parole aux étudiants, notamment lors du boycott de l’élection de janvier 2024, dont le résultat était pour eux joué d’avance en raison des manœuvres du parti unique. L’organisation a aussi dénoncé l’expulsion d’étudiants pour des motifs politiques, les violences perpétrées par des membres de la Ligue Chatra, notamment une attaque lors d’un séminaire à l’Université de Dhaka ayant blessé 7 personnes, et les intimidations qui ont poussé au suicide une jeune étudiante de l’Université Jagannath, et plus généralement condamné le harcèlement administratif et les abus de pouvoir.
Engagement direct avec les étudiants
Les membres du mouvement sont issus des bancs de l’université et n’ont cessé d’échanger avec la communauté étudiante, pour discuter de leurs préoccupations et promouvoir une culture politique démocratique, en sensibilisant aux enjeux des élections.
À travers ces différents modes d’action, la Force Démocratique Étudiante a mené une lutte active contre les injustices universitaires causées par l’influence dominante du syndicat étudiant affilié au parti au pouvoir. Ses méthodes de mobilisation, en rendant visible des situations d’injustice, ont permis à GCS de s’établir comme une force significative dans le paysage politique estudiantin du Bangladesh.

© Wikimedia Commons/ Rayhan 9d
LA RÉPRESSION ALIMENTE LA RÉVOLTE : UNE CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS

Points de bascule
La rhétorique anti-manifestations de Sheikh Hasina, renforcée par la répression policière et les attaques contre les manifestants par des groupes affiliés au Parti Awami League au pouvoir, a in fine alimenté un mouvement de masse contre le gouvernement. Les manifestations se sont transformées en un soulèvement plus large, des revendications de changement systémique et une pression croissante pour la démission de Sheikh Hasina.
Au début, « les protestations éclatent dans quelques universités publiques, mais les rangs des manifestants sont clairsemés. Jusqu’à ce que deux événements rallient vers eux le flot des mécontents : la publication d’une enquête journalistique démontrant que les examens d’entrée dans la fonction publique (dont dépendent à ce stade 44 % des postes) font l’objet de fuites auprès de proches du pouvoir ; et, plus encore, une apparition télévisée de Mme Hasina au cours de laquelle elle qualifie les manifestants de « rajakar »8, terme péjoratif qui désigne les Bangladais qui ont collaboré avec l’armée pakistanaise pendant la guerre de 1971, accusés de crimes contre l’humanité à l’encontre de civils dans le Pakistan oriental de l’époque.
« Suite à cette provocation, les étudiants de tout le pays sont sortis de leurs dortoirs […] en scandant des slogans tels que : Qui es-tu ? Qui suis-je ? Razakar, Razakar !] » et “ Razakar [A demandé des droits et est devenu un Razakar] » [A revendiqué des droits et est devenu un Razakar] »9.
La stratégie du mouvement reposait jusque-là sur des manifestations de masse et une résistance non violente, avant ces deux points de bascule.« La radicalisation des manifestations s’est rapidement accentuée. La haine du gouvernement s’est traduite par des attaques contre des bâtiments gouvernementaux et des infrastructures publiques, transformant les rues en zones de guerre. Dans ces affrontements sanglants, la solidarité des travailleurs de la rue a été essentielle, comme les chauffeurs de Rickshaw qui ont aidé à transporter les blessés. »10.
Durant les longues manifestations les étudiants ont occupé les rues, régulé la circulation et gardé les bâtiments publics après les attaques populaires. En réponse à la répression, ils ont renforcé leur réseau de solidarité et utilisé les réseaux sociaux pour diffuser des vidéos cruciales, comme celle de la mort de l’étudiant Abu Sayed.
Cette vidéo hautement symbolique, qui a fait le tour du pays, a renforcé la détermination du mouvement : seul face à la police, il ouvre les bras dans un geste de défiance, et reçoit plusieurs tirs à la poitrine. La méthode de résistance du mouvement, combinée à une légitimité morale acquise sur le terrain, a été un catalyseur majeur dans la chute du gouvernement.

Aftabuzzaman Hiru, Rangpur, bdnews24.com
LA FUITE D’HASINA ET LA MISE EN PLACE D’UN GOUVERNEMENT DE TRANSITION
Au début du mois d’août, après cinq semaines de manifestations, des violences supplémentaires ont fait 77 victimes, portant à 238 le nombre de morts durant les protestations Le gouvernement a alors décidé de déployer l’armée dans les rues de Dhaka pour tenter de réprimer le mouvement.
Néanmoins, les protestations ont continué jusqu’à la fuite de Sheikh Hasina. Un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) publié le 12 février 2025 estime que « jusqu’à 1 400 personnes pourraient avoir été tuées entre le 1er juillet et le 15 août »11, et que « des milliers d’autres ont été blessées », principalement par les forces de sécurité, avec 12 % à 13 % des victimes étant des enfants. Le HCDH accuse le gouvernement de Sheikh Hasina d’avoir poursuivi « une politique officielle d’attaque et de répression violente des manifestants et sympathisants, soulevant des inquiétudes de crimes contre l’humanité nécessitant une enquête urgente et approfondie »12.
Qu’est-ce qui explique une telle persévérance malgré la violence répressive ? Le contexte d’extrême pauvreté conjugué à la « réforme de trop » ? Le sentiment de n’avoir plus rien à perdre, ou la colère alimentée par la répression et la rhétorique anti-manifestants de Sheikh Hasina ? Ou bien tout cela à la fois ? Le baril de poudre était là, il ne manquait que l’étincelle pour le faire sauter.
Quand ailleurs les étudiants diplômés finissent par quitter leurs pays vers d’autres cieux plus favorables, la jeunesse bangladaise est restée, décidée à obtenir le changement. Les dernières provocations de « la dame de fer » et son discours polarisant ont incité des dizaines de milliers de personnes à tenir la rue, jusqu’à ce que les manifestations brisent l’image d’une Hasina inébranlable.
Outre l’autorité des forces de l’ordre durant les affrontements de rues, les manifestations ont aussi affecté le secteur sur lequel Sheikh Hasina avait construit sa crédibilité : « L’ancienne première ministre avait fondé sa capacité à gouverner sur des taux de croissance élevés, de l’ordre de 6 % par an, au cours des 15 dernières années. Ce taux était principalement dû aux exportations de textiles. Le secteur du textile, l’intervention des travailleurs dans le mouvement, de même que les pressions des fabricants, est un facteur clé dans la chute de Hasina. Les blocages généralisés, les barrages routiers sur les principaux axes, les pannes d’Internet et de communication ont mis à mal la fragile chaîne d’approvisionnement du textile en flux tendu, dont dépendent 80 % des exportations du pays. Le secteur a enregistré des pertes de 58 millions de dollars en quelques jours seulement. Des centaines d’usines ont fermé leurs portes par crainte d’être vandalisées, plusieurs d’entre elles ayant été incendiées. Les fabricants craignaient que leurs travailleurs ne se joignent largement au mouvement de protestation et n’affectent davantage la production. »13
LA FUITE D’HASINA ET LA NOMINATION D’UN GOUVERNEMENT DE TRANSITION
Le 5 août, Hasina démissionne et fuit le pays en hélicoptère militaire jusqu’en Inde. Cette fuite a précipité la démission du président de la Cour suprême et a ouvert la voie à un gouvernement de transition. Le 17 octobre 2024, le Tribunal international des crimes du Bangladesh a émis un mandat d’arrêt contre Sheikh Hasina pour son rôle présumé dans ces événements. Le chef de l’armée, Waker-uz-Zaman a annoncé la formation d’un gouvernement avec l’opposition, dirigé par Muhammad Yunus, conformément aux attentes de l’opposition, et donc excluant le parti au pouvoir.
Muhammad Yunus est internationalement connu pour avoir développé le microcrédit avec sa banque Grameen, et son approche en tant que Premier ministre avait été marquée par l’introduction de réformes sociales et économiques : mise en place d’un programme d’inclusion économique, dans le but de réduire la pauvreté et d’offrir des opportunités aux jeunes chômeurs. Il avait également promu des réseaux de soutien aux petites entreprises et encouragé des partenariats avec des organisations internationales pour stimuler l’innovation sociale.

Ralf Lotys/ wikiquote
Symbole du rôle majeur des étudiants dans le renversement du régime : deux des leaders du mouvement, Asif Mahmud et Akhtar Hossain, ont rejoint le gouvernement provisoire mis en place après la démission de Sheikh Hasina. Asif Mahmud, ancien étudiant en linguistique et l’un des fondateurs de Ganatantrik Chhatra Shakti, occupe le poste de ministre des Sports et de la Jeunesse, tandis qu’Akhtar Hossain, un étudiant en droit, a été nommé au ministère de l’Environnement.
En février 2025, le bilan du gouvernement provisoire demeure contrasté. Bien que des réformes aient été lancées, leur mise en œuvre reste lente, entravée par l’ampleur des destructions causées par le régime précédent sur la justice, les médias et la police. Après l’euphorie initiale, la population, et en particulier les jeunes, commence à se montrer impatiente, avec des attentes grandissantes face à la lenteur des changements. En matière de justice, des progrès ont pourtant été réalisés : l’arrestation de responsables impliqués dans les massacres de l’été joue ainsi un rôle symbolique essentiel, même si l’absence de Sheikh Hasina limite cette avancée.
Les tensions entre ses soutiens et le mouvement d’opposition continuent de menacer la paix civile. Six mois après la fuite de l’ex-dirigeante, des manifestants ont détruit plusieurs bâtiments liés à sa famille, après avoir appris qu’elle devait s’adresser à ses partisans sur Facebook depuis l’Inde. Suite à ces troubles , la police bangladaise « a annoncé, lundi 10 février, avoir arrêté plus de 1 300 personnes lors d’une vaste opération baptisée « Chasse aux démons » visant des gangs soupçonnés par le gouvernement d’être liés à l’ex-première ministre »14.
La capitale retrouve une certaine liberté de mouvement, des manifestations se tiennent désormais en moyenne deux à trois fois par jour, marquant un changement majeur pour les Bangladais, désormais libres de se réunir et de s’exprimer sans craindre d’arrestations.
Le gouvernement provisoire est toutefois critiqué pour son retard dans la tenue des élections, la gestion de la crise économique et sociale, ainsi que pour sa minimisation des violences contre les minorités religieuses. Yunus et ses alliés souhaitent d’abord procéder à des réformes électorales et constitutionnelles avant d’organiser des élections, mais la pression monte, et avec elle l’exigence d’un calendrier électoral. Certains analystes estiment même que cette lenteur pourrait conduire à une prise de pouvoir par l’armée15.

Free Malaysia Today
DÉFIS DU GOUVERNEMENT DE TRANSITION
Le gouvernement de transition dirigé par Yunus se trouve face à une série de défis complexes pour instaurer une véritable transition démocratique au Bangladesh. Parmi ces défis :
Réconciliation nationale et consolidation de l’État de droit
Après des années de répression, il est essentiel de restaurer la confiance des citoyens dans les institutions publiques. Yunus doit non seulement garantir l’indépendance de la justice, mais aussi résoudre les problèmes liés à la corruption qui gangrène l’administration et le système judiciaire. Pour ce qui concerne le processus électoral, Yunus a évoqué dans son discours télévisé que les élections législatives devraient avoir lieu entre la fin de 2025 et la mi-2026, après des réformes majeures. Il a insisté sur la nécessité de mettre en place une liste électorale précise, avec l’objectif d’éviter toute manipulation du processus électoral. Il a également souligné la création d’une tradition où les primo-votants assureront 100 % de la participation aux scrutins, garantissant ainsi une véritable légitimité des élections futures.
Gestion des tensions communautaires et sociales
Les minorités, notamment hindoues, ont longtemps fait face à des discriminations. Le gouvernement est pressé de garantir une représentation équitable et la protection des droits de toutes les communautés religieuses et ethniques. Les tensions communautaires liées aux ressources, aux droits fonciers et à l’intégration sociale minoritaires exigent une attention particulière.
Reconstruction économique et création d’emplois
L’économie du Bangladesh a été durement frappée par des années d’instabilité politique. Le taux de chômage des jeunes, facteur de lancement du mouvement de révolte, appelle des réformes économiques profondes.
Relations internationales et diplomatie régionale
Le Bangladesh se trouve dans une position géopolitique complexe, notamment par rapport à l’Inde et au Myanmar. La gestion des réfugiés rohingyas et les tensions frontalières avec l’Inde, autour des ressources en eau, sont des défis majeurs pour Yunus.
CONCLUSION
Le Bangladesh traverse une période historique de transition politique et sociale, marquée par l’irruption de la jeunesse dans le processus politique. Le gouvernement de Sheikh Hasina, jusqu’alors solidement ancré au pouvoir, a été déstabilisé par des manifestations estudiantines qui ont transformé le mécontentement en une révolution plus large. Le mouvement GCS s’est imposé par des modes d’actions simples et massifs (manifestations, chaînes humaines, actions coup de poing) dont une communication active s’est faite l’amplificateur.
La participation des travailleurs du textile au mouvement créé par les étudiants a aussi contribué à faire vaciller puis plier le pouvoir, en mettant en danger le principal secteur économique du pays dont Sheikh Hasina tirait sa fierté.
Le sort des étudiants victimes de la répression du parti unique a catalysé les désirs de changement, et le mouvement a su s’en servir comme des symboles d’une jeunesse martyre, qui constitue en outre le réservoir d’énergie citoyenne du pays. Il convient de souligner la constance de ce mouvement malgré la violence des répressions jusqu’à la capitulation de Sheikh Hasina. La répression violente des manifestations a en conséquence entretenu le sentiment d’injustice et amplifié la révolte. Le défi pour le gouvernement de transition sera de transformer cette révolution en une opportunité pour restaurer les principes démocratiques et établir un véritable État de droit.
SOURCES
- Le Figaro, « Bangladesh : Les manifestations étudiantes et la répression gouvernementale », 16/07/2024.
- RFI, Le Bangladesh : une révolution imprévue des étudiants, 18/07/2024.
- Le Monde, La fuite de Hasina et l’ouverture d’une ère de transition, 22/08/2024.
- Le Monde, Bangladesh votes in election boycotted by opposition, 7/01/2024.
- Le Monde, Au Bangladesh, la genèse d’une révolution étudiante, 19/08/2024.
- Asia Pacific Foundation, « La crise politique au Bangladesh : un tournant pour la démocratie », 23/08/2024.
- The Diplomat, Bangladesh : The Students’ Revolution and Its Impact, 17/07/2024.
- BBC News, Bangladesh’s Political Crisis: Students Lead a New Revolution, 16/07/2024.
- Al Jazeera, Protests in Bangladesh: Students Clash with Police Amid Quota Reforms, 15/07/2024.
- Le Courrier, Le Bangladesh prévoit des élections législatives d’ici la fin 2025 ou la mi-2026″, 16/12/2024.
- Amnesty International, Bangladesh. Le gouvernement intérimaire doit rétablir la liberté d’expression au Bangladesh et abroger la Loi sur la cybersécurité, 8/08/2024.
- Barta 24, La technologie est la colonne vertébrale d’un pays, publié le 4/10/2024.
- Rapport de l’Ambassade de France au Bangladesh, Bangladesh, une jeunesse qui ne tire pas assez les fruits du développement ?, 8/08/2024.
- Al Jazeera, How Bangladesh’s ‘Gen Z’ protests brought down PM Sheikh Hasina, 7/08/2024.
- Visualiser la corruption, Le système judiciaire est-il une arme au Bangladesh ? 2/01/2024.
- Le Monde, Au Bangladesh, plus de 1 300 personnes arrêtées dans une opération de police, 10/02/2025.
- Rapport de l’ONU, Bangladesh: UN report finds brutal, systematic repression of protests, calls for justice for serious rights violations, 12/02/2025.
Notes
- Le Monde, Le Bangladesh vote dans une élection boycottée par l’opposition, 7/01/2024
- Idem
- Amnesty international, Bangladesh. Le gouvernement intérimaire doit rétablir la liberté d’expression au Bangladesh et abroger la Loi sur la cybersécurité, 8 /08/2024
- Visualiser la corruption, Le système judiciaire est-il une arme au Bangladesh ?, publié le 2/01/2024
- RFI, 100 jours après la révolution au Bangladesh, un bilan du gouvernement transitoire mitigé, publié le 22/11/2024
- Révolution Permanente, Santiago Montag, “Analyse. Comment les étudiants bangladais ont renversé la « Dame de fer d’Asie »”, publié le 7/08/2024
- Barta 24, « La technologie est la colonne vertébrale d’un pays », en ligne le 04/10/2024
- Le Monde diplomatique, “Bangladesh, aux racines du soulèvement”, Nafis Asan, publié le 01/10/2024
- The Daily Star, The ‘Razakar’ back and forth: Who said what?, publié le 15/07/24
- Révolution permanente, idem.
- Rapport de l’ONU, ”Bangladesh: UN report finds brutal, systematic repression of protests, calls for justice for serious rights violations”, publié le 12/02/2025
- idem
- Révolution permanente, idem
- Le Monde, Au Bangladesh, plus de 1 300 personnes arrêtées dans une opération de police, publié le 10/02/2025
- RFI, 100 jours après la révolution au Bangladesh, un bilan du gouvernement transitoire mitigé, 22/11/2024





