Combler le vide laissé par l’USAID en Asie du Sud-Est

Mars 2025

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COMBLER LE VIDE LAISSÉ PAR L’USAID EN ASIE DU SUD-EST

Mars 2025

 

Un point de vue Fondemos

 

Ce briefing sensibilise aux conséquences, sur les secteurs du développement et de l’humanitaire en Asie du Sud-Est, de la décision de l’administration Trump de geler les programmes d’aide. Il décrira comment l’UE pourrait étendre d’urgence son engagement afin de pallier ce retrait en tirant parti des cadres existants tout en accélérant de nouvelles initiatives pour renforcer la stabilité régionale, défendre la démocratie et le multilatéralisme et contrebalancer l’influence croissante de la Chine.

 

CONTEXTE

Le retrait de l’aide américaine au développement et de l’aide humanitaire, notamment avec la fermeture de l’agence USAID le 7 février 2024[1], a créé un déficit important de financement dans plusieurs secteurs dont la santé, l’éducation et la réponse aux catastrophes. Cette situation dramatique pour les populations d’Asie du Sud-Est offre néanmoins une fenêtre d’opportunité pour l’Union européenne, qui est bien placée pour intervenir en tant que partenaire fiable en capitalisant sur les cadres d’aide existants et les partenariats stratégiques déjà en place avec l’ANASE. L’Union européenne, qui est le quatrième investisseur étranger[2] et le troisième partenaire commercial de l’ANASE[3], pourrait ainsi bénéficier d’un développement mutuellement bénéfique.

L’aide de l’UE visant à combler ces lacunes doit s’accompagner d’une collaboration renforcée avec l’ANASE par le biais d’un financement accru et de l’expansion de ses programmes, ce qui permettrait de contrer l’influence chinoise tout en garantissant un développement durable et la stabilité régionale.

AIDE ACTUELLE DE L’UE À L’ASIE DU SUD-EST

L’UE est un partenaire majeur en matière de développement et d’aide humanitaire en Asie du Sud-Est :

Aide humanitaire

En 2025, l’UE a alloué 61 millions d’euros pour les crises en Asie du Sud-Est, en priorité au Myanmar et au Bangladesh. Cette somme comprend 10,3 millions d’euros pour la préparation aux catastrophes et 50,8 millions d’euros pour les besoins humanitaires directs [4]. Dans le cadre de son partenariat bilatéral avec l’ASEAN, l’Union européenne a également mis en œuvre le programme humanitaire « Soutien de l’UE au Centre d’assistance humanitaire de l’ASEAN (AHA) et à la réponse d’urgence de l’ASEAN (EU SAHA) », qui implique une enveloppe de financement de 7,2 millions d’euros pour la période 2020-2025. [5]

Aide au développement

Le programme « Soutien à l’intégration régionale de l’ANASE par l’UE » (ARISE) a alloué environ 40 millions d’euros pour la période 2017-2023. En parallèle, l’instrument de dialogue régional renforcé UE-ANASE (E READI) engage 20 millions d’euros sur la période 2017-2025 pour soutenir des dialogues thématiques couvrant une quarantaine de domaines prioritaires. Des partenariats bilatéraux existent avec la Thaïlande, le Cambodge, le Viêt Nam, les Philippines, la Malaisie, l’Indonésie et le Brunei. Enfin, dans le cadre de la stratégie plus large du Global Gateway, l’UE s’est engagée, lors du sommet commémoratif de décembre 2022, à mobiliser 10 milliards d’euros pour financer des projets de connectivité avec l’ANASE d’ici à 2027. Le mécanisme de financement vert catalytique de l’ANASE, soutenu par l’UE à hauteur de 50 millions d’euros, finance des infrastructures résistantes au climat, telles que les énergies renouvelables et les transports durables [6]. Toutes ces actions contribuent à la réalisation des objectifs de développement durable et soutiennent des initiatives phares telles que SWITCH-Asia, SMART Green ASEAN Cities et Horizon Europe, favorisant ainsi une croissance inclusive, durable et innovante dans la région de l’ANASE [7]. Des initiatives telles que CRIMARIO II (avec 7,5 millions d’euros alloués pour la période 20202024) renforcent encore la sécurité maritime et la stabilité régionale.

Développement de l’ANASE

Les États membres de l’UE ont contribué de manière significative au développement de l’ANASE par le biais de l’aide bilatérale, en se concentrant sur des domaines clés tels que les infrastructures durables et la résilience climatique. La France a engagé plus de 4 milliards d’euros par l’intermédiaire de l’AFD[8], soutenant des projets de connectivité en Indonésie et au Vietnam, des initiatives dans le domaine de la santé et de la sécurité maritime. L’Allemagne a alloué 184 millions d’euros à la biodiversité, à la formation professionnelle et aux programmes d’égalité des sexes[9].

IMPACT DU RETRAIT DE L’AIDE AMÉRICAINE

La fermeture de l’USAID a supprimé une bouée de sauvetage financière cruciale pour ces pays : En 2024, le Myanmar a reçu 239 millions USD d’aide humanitaire et de développement, la Thaïlande 20 millions USD, le Laos 50 millions USD, le Vietnam 135 millions USD, l’Indonésie 151 millions USD, le Cambodge 98 millions USD et les Philippines 144 millions USD. Au total, près d’un milliard de dollars – une enveloppe vitale non seulement pour éviter les catastrophes humanitaires, mais aussi pour contribuer à la stabilité économique des pays de l’ANASE.

En outre, 22 % du budget de l’USAID ont été alloués à des initiatives gouvernementales (engagement des organisations de la société civile, renforcement des capacités pour résoudre les défis régionaux, soutien à la sensibilisation aux droits de l’homme, etc…), laissant planer une menace de déclin démocratique dans les pays bénéficiaires. Ce recul démocratique pourrait être exploité par la Chine, qui pourrait intervenir pour combler le vide laissé par les États-Unis et servir davantage ses intérêts dans la région. Cette situation renforce la dépendance de l’ANASE à l’égard de Pékin tout en limitant l’engagement multilatéral[10][11].

RECOMMANDATIONS POUR UN ENGAGEMENT RENFORCÉ DE L’UE

Pour relever efficacement ces défis, l’UE devrait adopter une approche proactive :

Aide humanitaire

Pour répondre aux catastrophes écologiques et aux bouleversements politiques, en particulier au Myanmar, l’UE devrait:

  • Créer un fonds de réaction aux catastrophes UE-ANASE afin de renforcer les capacités régionales par l’intermédiaire du centre AHA ;
  • Développer l’aide humanitaire pour reproduire les programmes américains suspendus dans les domaines de la santé et de l’éducation en allouant 50 millions d’euros supplémentaires par an [12].

Le développement

Pour s’affirmer comme un partenaire fiable et construire une relation durable avec l’ANASE, l’UE doit :

  • Accroître le financement dans le cadre de l’initiative « Global Gateway » pour accélérer les projets d’infrastructures vertes ;
  • Cofinancer des infrastructures avec le Japon et l’Australie dans le cadre de Global Gateway, en donnant la priorité aux projets résistants au changement climatique ;
  • Accélérer l’adoption du programme SCOPE Connectivity et augmenter son financement global de 9,5 millions d’euros actuellement à 20 millions d’euros d’ici 2028, avec l’aide de l’instrument NDICI – Global Europe.

Coopération en matière de sécurité

Pour aider à prévenir tout déclin démocratique et toute menace pour la sécurité dans la région, l’UE devrait :

  • Créer un fonds de gouvernance UE-ASEAN pour soutenir les institutions démocratiques ;
  • Étendre CRIMARIO II à la formation à la cybersécurité et aux initiatives de lutte contre le terrorisme ;
  • Augmenter les patrouilles navales dans le cadre de la présence maritime coordonnée en mer de Chine méridionale.

CONCLUSION

Le retrait de l’aide américaine représente à la fois un défi et une opportunité pour l’UE en Asie du Sud-Est. En renforçant son engagement par des augmentations de financement ciblées, des programmes élargis et des partenariats stratégiques, l’UE peut combler efficacement ce vide tout en promouvant le développement durable et la stabilité régionale. L’UE se positionnera ainsi comme un partenaire non seulement normatif en promouvant les valeurs qui lui sont chères, mais aussi économique dans une région en développement riche en ressources (gaz, pétrole, terres rares, gisements de minéraux, etc.) Ce positionnement en tant que partenaire fiable ne peut que bénéficier aux entreprises européennes et ouvrir une nouvelle voie de développement en dehors des relations plus traditionnelles entre la Chine et l’UE et entre les États-Unis et l’UE. Il est essentiel d’agir immédiatement pour éviter de nouveaux revers en matière de gouvernance, de santé, d’éducation et de résilience aux catastrophes dans toute l’Asie du Sud-Est.

SOURCES

  • [1]https://www.reuters.com/world/us/us-aid-freeze-decimates-life-saving-workglobally-survey-finds-2025-02-19/
  • [2] https://asean.org/wp-content/uploads/2024/10/AIR2024-3.pdf
  • [3] https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/SEPDF/cache/71515.pdf [4]https://ec.europa.eu/echo/files/funding/hip2025/echo_xa_bud_2025_91000_ta _v1.pdf
  • [5]https://euinasean.eu/wp-content/uploads/2023/10/ASEAN-EU-Blue-Book2024-2025.pdf
  • [6]https://www.adb.org/news/adb-european-union-and-asean-countriespartner-boost-green-infrastructure
  • [7]https://euinasean.eu/wp-content/uploads/2023/10/ASEAN-EU-Blue-Book2024-2025.pdf
  • [8]https://asean.org/wp-content/uploads/2023/12/Overview-of-ASEAN-FranceDevelopment-Partnership_as-of-December-2023.pdf
  • [9]https://asean.org/wp-content/uploads/2017/04/Overview-of-ASEANGermany-Development-Partnership-as-of-Sept-2020.pdf
  • [10]https://thediplomat.com/2025/02/trumps-sudden-impact-and-implicationsfor-southeast-asia/
  • [11]https://www.scmp.com/opinion/world-opinion/article/3297456/how-trumpshobbling-usaid-cedes-southeast-asia-chinese-influence
  • [12]https://foreignassistance.gov/cd/thailand/
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